

Arrière-scène
Arrière-Scène invites you to meet those who work behind the scenes: movie score composers, tour managers, show schedulers, record sellers, producers, bar musicians.
Video transcript
The Record Company
Record companies have always been a reference point for the industry, but what do record companies in 2015 do, exactly?
Production year: 2014
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Arrière-Scène part à la rencontre des artisans qui fabriquent de leurs mains notre paysage musical. On y découvre les coulisses de l'industrie musicale en rencontrant ceux qui y travaillent : musiciens de studio, compositeurs, metteurs en scène, producteurs, disquaires, programmateurs et plusieurs autres.
L'émission «Arrière Scène» est ponctuée d'entrevues de journalistes en studio et d'autres intervenants du milieu qui viennent apporter leur expertise et leurs commentaires.
Générique d'ouverture
[Début information à l'écran]
Arrière-scène— La maison de disques
[Fin information à l'écran]
GOURMET DÉLICE est dans les bureaux de la maison Bonsound, à Montréal.
[Début information à l'écran]
Gourmet Délice, co-fondateur et directeur de développement— Bonsound
[Fin information à l'écran]
GOURMET DÉLICE
En commençant Bonsound, qui
était d'abord plus de la gérance
que du disque, notre but c'était
que les artistes soient
confortables.
On faisait un "deal" pour que
ça soit bon pour tout le monde.
Nous, c'est très rare qu'on
voie ça juste d'un point de vue
maison de disques.
Tous les artistes qu'on a en
gérance ici, on sort leurs
disques aussi, on est aussi leur
"booker" de shows. Parce que tu
te dis: "Si je ne vends pas de
disques, au moins je vais vendre
des shows. " En tout cas, tu
fais une promo, elle sert à
plusieurs affaires... qui te
reviennent à toi... C'est
difficile de penser... à,
justement, des projets juste en
"booking", juste en disques,
juste en gérance.
C'est très le fun pour nous ici
de pouvoir avoir au moins deux
services autour d'un artiste.
Le nerf de la guerre, ça reste
quand même la promo. Si tu
prends ça globalement, ce qui
fait une différence, bien, il y
a la qualité et
l'appréciabilité. Je veux dire,
on ne décide pas nous que le
monde va capoter sur Lisa
Leblanc, ça se passe de même, il
n'y a pas de formule... On n'a
rien mis dans son eau, c'est tel
quel... Puis là, bien, après ça,
une fois qu'il y a quelque chose
comme ça et qu'il y a un certain
roulement qui s'installe, les
gens en parlent, il faut que tu
viennes accoter ça avec,
justement, des relations de
presse pis du "poussage" en
avant, du "mettage" à l'avant
de... avec de la promo et du
marketing, c'est là que ça se
passe beaucoup.
[Début information à l'écran]
Philippe Renaud, journaliste culturel— Musique Plus, ICI Radio-Canada, RFI Musique
[Fin information à l'écran]
PHILIPPE RENAUD
(En studio)
Dans les années 50-60, tu ne
sortais pas ton MacBook avec ton
petit micro. T'allais dans le
studio de la maison de disques.
Et là, la maison de disques te
signait le contrat, te disait:
"OK., on va te faire faire un
disque et voilà combien on va te
donner... nana... machin..."
Tout était contrôlé. Il y avait
le directeur artistique de la
maison qui disait: "Toi, ton
album, ta "toune" on l'a aimée
là, mais on va prendre la
deuxième "take" parce que tu
chantes moins fort dessus." Tu
comprends? Tout était fait comme
ça.
[Début information à l'écran]
Émilie Côté, journaliste culturelle— La Presse
[Fin information à l'écran]
ÉMILIE CÔTÉ
(En studio)
Actuellement, avoir une maison
de disques, ça ne représente pas
ce que ça représentait à
l'époque. À l'époque, dans les
années 80, dans l'âge d'or de la
pop, je pense qu'on pouvait
avoir un budget de 100 000
dollars avant même d'entrer en
studio, on signait un contrat,
tout ça. Aujourd'hui, avoir une
maison de disques, ça vient avec
des ressources, c'est sûr, avoir
des relations de presse, avoir
peut-être quelqu'un qui va faire
sa pochette, qui va peut-être
nous aider pour les clips.
(Jessy Fuchs, fondateur et directeur artistique— Slam Disques)
[Fin information à l'écran]
JESSY FUCHS
(En studio)
Je pense que tous les modèles
sont bons. C'est-à-dire qu'on a
besoin d'avoir un gros label qui
va avoir des artistes qui sont
dans un modèle qui vise les
baby-boomers pour ceux qui
achètent encore des disques.
On a besoin de ça parce qu'il y
en a qui ont besoin de ça. Puis
on a besoin d'un label
extrêmement indépendant qui va
faire des albums juste
analogiques, directement sur
vinyle, imprimés en
sérigraphie, direct, pis
"envoye" donc, on vend ça
seulement dans les shows. On a
besoin de tous les modèles,
parce qu'il y a toutes sortes de
groupes pour toutes sortes de
publics.
(JULIEN MANAUD est dans un studio d'enregistrement, en compagnie de STEEVEN CHOUINARD et de LAURENCE GIROUX-DO, deux membres du groupe Le Couleur.)
[Début information à l'écran]
Julien Manaud, co-fondateur— Lisbon Lux Records
[Fin information à l'écran]
JULIEN MANAUD
Le Couleur, en 2011, m'ont
approché comme réalisateur. Et
ensuite, quand ç'a commencé je
leur ai dit: "Bien là vous me
payez, on fait de la
réalisation, mais qu'est-ce...
C'est quoi l'objectif du
disque?" Et là, ils ne savaient
pas trop, je voyais qu'ils
étaient un peu perdus. Et je
suis devenu leur agent un peu
par défaut. J'ai dit: "Ben, on
va essayer de "stratégiser" ça.
STEEVEN CHOUINARD
C'est le gérant, le "label
manager", le coproducteur, il
m'a aidé à construire le studio,
donc c'est un peu un menuisier.
C'est comme la maman vache qui a
plein de pis et qui "feed" tout
le monde.
(GOURMET DÉLICE est à la Société des Arts Technologiques de Montréal.)
[Début information à l'écran]
Mundial Montréal, Société des Arts Technologiques. Événement de réseautage de l'industrie des musiques du monde
[Fin information à l'écran]
GOURMET DÉLICE
Ce que je fais vraiment, c'est
juste d'établir des contacts
avec des... soit du nouveau...
des nouveaux contacts ou juste
continuer des relations que j'ai
déjà entretenues, donc,
m'assurer que les gens viennent
voir les concerts de nos
artistes.
(Dans le cadre du Mundial Montréal, PIERRE KWENDERS donne un spectacle.)
PIERRE KWENDERS
(Narrateur)
Tout seul, on peut avancer vite,
mais ensemble on avance encore
mieux et puis on fait les choses
de la bonne façon.
Moi j'ai commencé tout seul,
j'ai fait certains trucs tout
seul, mais à un moment donné
j'avais besoin d'une équipe
avec moi, j'avais besoin de...
des gens pour m'aider à
accomplir les projets que
j'avais envie d'accomplir et
puis je ne pouvais pas faire ça
tout seul.
(PIERRE KWENDERS est en compagnie de GOURMET DÉLICE.)
PIERRE KWENDERS
Les maisons de disques sont un
peu là pour t'aider, oui, il y a
des gens qui veulent bien faire
tout, tout seul, mais après un
certain temps, t'en as tellement
plein la tête que tu... ça
enlève aussi le côté créatif de
la chose. Si tu veux déléguer
certaines choses pour pouvoir
avoir le temps de créer, donc,
si tu veux avoir le temps de
créer, tu ne peux pas faire
1 500 choses en même temps.
GOURMET DÉLICE
Avant c'était comme
inatteignable de pouvoir se
rendre dans un studio pour faire
un disque. Maintenant tu peux
faire toutes tes affaires comme
toi tu le veux, puis après ça tu
vas voir quelqu'un pis tu dis:
"Est-ce que ça te tente de
mettre ça en marché?"
PIERRE KWENDERS
Moi, je trouve que c'est génial
que ce soit comme ça parce qu'au
moins l'artiste a le temps de se
définir tout seul, avant que
n'importe qui vienne le chercher
pis qu'il lui dise: "Bon, moi je
veux que tu fasses ça ou que tu
fasses ça."
(Début intertitre)
(À chacun son métier...)
(Fin intertitre)
(La chanteuse FOXTROTT est sur la terrasse d'un restaurant.)
[Début information à l'écran]
Foxtrott, auteure-compositrice-interprète
[Fin information à l'écran]
FOXTROTT
Quand j'ai mis mon EP par
moi-même avec aucune promo sur
Bandcamp, j'ai genre posté sur
mon réseau social, "that's it".
Le lendemain j'avais comme...
plein de "emails" un peu fous
là, genre, je ne sais pas moi...
EMI Publishing New York était
comme: "Hey! Who are you?"
J'étais curieuse de voir ce que
ça allait faire dans le monde,
en soi, donc, je ne voulais pas
m'engager avec une équipe tout
de suite, puis je pense que ça
ç'a été une vraiment bonne
décision de ma part. J'étais
comme: "Je vais mettre un EP,
pas un album, juste trois
"tounes", puis ça va m'ouvrir
des portes et je vais voir où ça
mène.
(FOXTROTT est dans un local de musique et répète une chanson.)
FOXTROTT
(Narratrice)
Mon gérant Michael qui
travaille avec Sofa King Raw,
c'est une équipe de gérance qui
est à Montréal, Toronto puis New
York, et en fait, qu'est-ce qui
m'a le plus accroché, c'est que
ç'a été les premières personnes
que j'ai rencontrées qui
comprenaient ce que je faisais
musicalement.
On n'était pas sûrs est-ce
qu'on va aller avec un label
indépendant, alors on s'est
dit: "Regarde, on le fait, on
l'enregistre, on le produit, on
le mixe, on l'a même
"masterisé"... pis, on va livrer
ça à des "labels" et voir
qu'est-ce que ça fait." Parce
que... avec mon processus
créatif et ma personnalité, je
ne pense pas que j'aurais été
heureuse de signer avec un
"label" avant d'avoir terminé
mon premier album parce que ça
aurait modifié mon chemin
créatif, ça n'aurait pas sonné
la même affaire. Puis, en fait,
on a discuté avec des "labels"
dans la dernière année qui
étaient comme... pour vrai, ils
étaient sur le bord de me
signer, puis qui disaient des
choses comme: "Ah, mais on
aurait aimé ça être impliqués
plus tôt." Puis là, nous, on
était comme: "Plus tôt? C'est
quoi plus tôt? C'est tôt en
"tabarouette" là, je n'ai
rien..." Puis pour eux, et là
j'ai compris, ce sont des gens
qui auraient aimé ça m'envoyer
travailler avec tel "producer",
tel "producer", t'sais, des
trucs... ils auraient aimé ça
comme... que je "fitte" un peu
plus avec leur "roster", que je
sois... puis moi je me suis dit:
"Regarde, ça ne m'intéresse
pas". Donc, le but c'est soit
qu'on sort ça indépendant, ou
il y a un "label" qui va être
intéressé et qui va nous... qui
va faire:
"On adore ton album, on adore
tes idées créatives, on a
peut-être deux, trois
suggestions pour mettons le
visuel, on le sort tel quel."
Puis ça, ce n'est pas facile à
trouver.
Tu n'es pas signé là, puis si
jamais ça, ça ne passe pas, ça
se peut que demain je fasse:
"Bon ben ça fait! Huit mois plus
tard, je l'aurais sorti il y a
huit mois, mon album, mais on va
le sortir indépendant, si ça ne
marche pas ce "deal-là" ça se
peut encore." Mais là, on est en
finale, finale, là, je reçois un
texte tantôt que je suis
supposée avoir des nouvelles
aujourd'hui, on ne sait pas...
comme tous les jours depuis
trois mois.
(Début intertitre)
(La nouvelle identité de la maison de disques)
(Fin intertitre)
( JEAN-CHRISTIAN AUBRY est dans les bureaux de Bonsound.)
JEAN-CHRISTIAN AUBRY
En anglais, ce n'est pas pire un
"label" parce que c'est mieux
qu'en... en français on dit une
étiquette de disque, déjà c'est
comme... il y a le mot disque
dedans qui est comme "weird" en
2014.
(JULIEN MANAUD est dans les studios de Lisbon Lux Records, en compagnie de STEEVEN CHOUINARD et de LAURENCE GIROUX-DO)
JULIEN MANAUD
Il y a des jeunes qui ne sauront
jamais c'est quoi un disque.
Donc les maisons de disques, un
jour, ça ne va plus fonctionner.
Une maison de "streaming"... des
chansons de "streaming", non,
mais c'est vrai... une maison...
LAURENCE GIROUX-DO
Une maison d'artistes.
JULIEN MANAUD
Oui, une maison d'artistes en
fait.
LAURENCE GIROUX-DO
Puis je trouve que c'est ce qui
est bien moi avec Lisbon c'est
l'aspect aussi, c'est ça, maison
d'artistes, famille, je pense
qui est "le fun" au sein de
Lisbon.
JULIEN MANAUD
On veut rester un petit peu dans
un chemin assez précis de
direction artistique de manière
à ce que les gens, quand ils
viennent frapper à notre porte,
ils savent ce qu'ils viennent
chercher. C'est vraiment comme
le resto du coin. Il y a un
label de musique électronique,
c'est comme le gars qui fait du
couscous à côté, puis là il y a
celui qui fait de la chanson et
moi j'aime un peu ça. J'aime un
peu ce côté... "Je vais manger
chinois, je n'ai pas envie de
manger un couscous au resto
chinois..."
STEEVEN CHOUINARD
C'est ça, oui.
PHILIPPE RENAUD
(En studio)
Du point de vue du mélomane,
moi, je trouve ça encore bien
important les maisons de
disques. Parce que là, après ça,
tu peux... et là, j'en viens
finalement à l'idée de la
curation. Dare to Care, ils
sortent un disque, c'est supposé
être bon. Les Disques... les
Disques TV Dinner, ce n'est pas
bon. Ça devient une marque, ça
devient une espèce de "brand".
Ça devient un repère.
(JULIEN MANAUD est dans son appartement, qui sert également de bureau pour Lisbon Lux Records.)
JULIEN MANAUD
Le système du label est
important pour moi, en fait.
C'est-à-dire que de rester dans
une direction artistique assez
serrée... et d'ailleurs, tu
vois, cette année, c'est fou
parce qu'on a juste un an et on
reçoit déjà des démos pas mal.
Et parfois, ça "fitte" vraiment
dans notre catalogue artistique,
mais parfois, pas du tout.
Et des fois je me dis que c'est
vraiment comme, je trouve qu'un
artiste c'est important qu'il
comprenne bien à qui il envoie
de la musique parce que ça m'est
arrivé de dire: "C'est bien,
mais si tu regardes notre
catalogue c'est..." À moins que
j'aie un coup de coeur sans nom,
mais je ne pense pas qu'on
sortira un album de country
demain, tu vois... Mais en tout
cas on n'est vraiment pas dans
une démarche de prendre un truc
qui va marcher, ça, ce n'est pas
du tout l'objectif. Au
contraire, moi je voulais mettre
en avant des projets qui, en ce
moment, n'étaient pas soutenus.
Et aussi, c'est ce que j'ai dit
récemment dans une interview,
j'ai fait une interview pour Les
Inrockuptibles en France, puis
je disais: "Monter un label en
2014, t'es sûr que tu le fais
pour les bonnes raisons." Parce
que ce n'est pas un domaine où
il y a plein d'argent à faire,
c'est vraiment de l'artisanat.
Moi, je vois ça comme de
l'artisanat, on fabrique des
disques et mon père au début par
exemple m'a dit: "Mais tu mets
ton argent personnel pour faire
des disques?" Et j'ai dit: "Oui,
mais il y a des gens qui
achètent un bateau pour partir
en week-end, bien moi, j'ai
décidé de ne pas acheter un
bateau. Je vais faire des
disques pour des gens, de faire
exister des choses et..." C'est
comme fabriquer une chaise pour
moi... Tu vois par exemple
avant, avant il n'y avait pas
ça, maintenant il y a ça...
C'est un objet, ça existe, ce
n'est pas juste digital.
(Début intertitre)
(Pour l'art ou pour l'argent?)
(Fin intertitre)
ÉMILIE CÔTÉ
(En studio)
La maison de disques, aussi, ça
représente deux... comment dire,
deux facettes. Il y a la
personne qui "tripe" musique et
qui se dit: "Ah, mon Dieu, moi
j'ai les ressources financières
pour produire cet artiste-là que
j'aime beaucoup."
Il y en a d'autres qui voient
ça à des fins purement
lucratives: "Cet artiste-là va
me permettre de faire de
l'argent."
JESSY FUCHS
(En studio)
Il y a, selon moi, des artistes
qui ont vu un stratagème pis qui
ont dit: "Trop facile, il y en a
qui s'en mettent trop facilement
dans les poches sur le simple
prétexte que les artistes ne
savent pas comment faire.
Voyons comment nous, artistes,
on peut se professionnaliser,
pour réussir à, finalement,
tirer notre part du gâteau."
PHILIPPE RENAUD
(En studio)
C'est "une business", une
étiquette de disque. Ce n'est
pas un coup de coeur personnel
de... ça peut en être un s'il
est compatible avec les intérêts
de la compagnie.
Tu signes un artiste, ce n'est
pas pour lui faire enregistrer
un disque qui va t'avoir
coûté... mettons 25 000 dollars
pour en vendre dix copies parce
que tu le trouves bien beau,
puis bien fin, puis bien bon.
Il faut que ça marche.
(GILBERT LEDERMAN donne une conférence aux Rendez-vous Pros des Francos, dans le cadre des Francofolies de Montréal.)
[Début information à l'écran]
Gilbert Lederman, responsable du département francophone— Universal Music Belgique.
[Fin information à l'écran]
GILBERT LEDERMAN
Si vous prenez le marché par
distributeurs, on a évidemment
assisté ces dernières années à
une concentration extrêmement
importante. Vous avez donc trois
"majors" qui se partagent 80% du
marché. Vous avez aussi...
(La conférence de GILBERT LEDERMAN est terminée.)
GILBERT LEDERMAN
Fondamentalement, l'objectif
d'une maison de production
musicale est d'avoir un chiffre
d'affaires, avoir de la valeur
ajoutée qui correspond aux
souhaits des actionnaires, aux
souhaits des responsables de
l'entreprise.
Et de ce point de vue là, comme
dans tout secteur, comme dans
toute entreprise, nous sommes
en mutation. Et aujourd'hui,
les "majors", les maisons de
disques de manière générale,
doivent s'adapter à ça, à ce
changement. Il n'y a pas de
place pour ceux qui sont
conservateurs ou traditionnels,
mais nous sommes continuellement
en mutation pour répondre à
notre objectif, qui est d'être à
l'écoute de notre public et de
lui proposer de la musique que
lui souhaite écouter, que lui
souhaite consommer.
(JULIEN MANAUD est dans les studios de Lisbon Lux Records, en compagnie de STEEVEN CHOUINARD et de LAURENCE GIROUX-DO)
JULIEN MANAUD
Il y a des espèces de "buzz"
internet, s'il n'y a pas une
maison de disques qui récupère
ça pour le transformer en vrais
succès... Un "buzz" internet ça
ne peut pas vivre 20 ans, ça vit
deux semaines, en fait. C'est
vrai que des fois il y a un
artiste, parce qu'il a fait un
vidéoclip complètement fou par
exemple, sort du lot, mais si...
STEEVEN CHOUINARD
Mais c'est un sur 50 millions...
JULIEN MANAUD
Oui puis même ça, ça ne va pas
le faire vivre 20 ans. Ça va
faire parler de lui deux, trois
semaines, en fait.
(GILBERT LEDERMAN est aux Rendez-vous Pros des Francos.)
GILBERT LEDERMAN
Il y a énormément de contenus
originaux, d'indépendants, ou
d'artistes qui mettent sur le
net leur propre contenu et qui
montrent qu'il est suivi par un
public qui est en empathie
complète avec ce qui lui est
proposé et le nombre de vues, le
nombre de clics explose. C'est
évidemment un critère pour une
maison de production, quelle
qu'elle soit de se dire: "Tiens,
cet artiste-là a posté sur
YouTube, sur son Facebook, une
musique qui déchire, et puis si
l'artiste a envie de passer ou
le producteur a envie de passer
à la vitesse supérieure, à ce
moment-là a besoin d'être
accompagné par une maison de
production qui est peut-être
plus à même de faire connaître
cette chanson, pas seulement
autour de là où habite la
personne, mais à travers le
monde entier avec des
structures, avec des personnes
qui travaillent la promotion,
avec des gens qui investissent
en marketing. C'est un vrai
soutien très important et de ce
point de vue là, les maisons de
production de musique sont
toujours nécessaires.
(BENOIT TREGOUET et MICHEL NASSIF sont aux bureaux des Disques Entreprise.)
[Début information à l'écran]
Benoit Tregouet et Michel Nassif, co-fondateurs— Les Disques Entreprise
[Fin information à l'écran]
BENOIT TREGOUET
Ce n'est pas qu'on ne veut pas
vendre de disques, c'est qu'on
ne peut pas compter sur... c'est
un peu comme si tu comptais...
tu joues au loto et tu te dis
que c'est comme ça que tu vas
gagner ta vie régulièrement.
Donc, sortir un disque, c'est un
peu comme jouer au loto, donc il
faut l'accepter. Il faut
l'accepter pour pouvoir aussi
faire des bons disques parce
qu'avant on était un peu
prisonniers d'une manière de
faire d'un marché qui n'existe
plus. Donc, produire un disque
en te disant qu'il faut que ça
marche dans cette situation-là,
c'est quasiment impossible et
t'es sûr surtout de ne pas faire
un bon disque. Donc là, l'idée
ce n'est pas forcément de se
sortir complètement du circuit
commercial, au contraire, mais
que l'idée de dégager de
l'argent avec les ventes de
disques ne soit pas au centre de
tes problématiques. Donc il y a
plein de métiers annexes qui
nous permettent de perdre de
l'argent sur le disque, mais le
perdre avec style, alors il
faut... quitte à perdre de
l'argent, autant faire ça avec
brio. Et après, par contre,
musicalement, l'idée, c'est de
faire des beaux disques, l'idée
c'est de faire des classiques...
des classiques. Du coup, de
constituer un catalogue et que
dans deux ans, cinq ans, dix
ans, quinze ans, les gens
écoutent encore nos artistes.
Donc, voilà, mais après c'est...
pour nous, petite structure, ce
qui est difficile c'est que, un
album, c'est 50 000 euros de
dépenses, c'est deux ans de
travail. Il faut pouvoir tenir,
avoir les reins solides pour te
dire que ces 50 000 euros, ces
deux ans de travail, tu vas...
tu vas avoir un retour sur
l'investissement dans cinq ans,
si ça marche. Donc la
difficulté, elle est là, c'est
comment contrebalancer ces
dépenses qui sont nécessaires
pour faire de beaux disques,
c'est notre métier de producteur
de prendre des risques, mais que
ces risques ne soient pas trop
grands, en fait, et qu'on ne
soit pas obligés de mettre la
clé sous la porte comme beaucoup
de labels l'ont fait avant.
MICHEL NASSIF
Sur l'Europe, c'est un petit peu
à part, la France, l'Europe. On
a un "deal" avec Sony... donc,
qui s'occupe et du digital et
des disques, donc ce sont des
vinyles, et la relation en
magasin.
BENOIT TREGOUET
Sony est content d'avoir une
image un peu de... une image un
peu moderne on va dire, et nous,
on est là pour les succès de
demain, qui pourront être
accompagnés par Sony ou...
MICHEL NASSIF
Ils ont une force commerciale,
ça nous aide, enfin, Sony nous
aide à être bien présents dans
les magasins, sur les
plateformes et après on a un
catalogue pour les artistes
qu'on a, donc on n'entre pas en
concurrence avec les artistes
qu'eux ont. Et si jamais on se
retrouvait, par contre, à être
en concurrence avec eux, ça
devrait nous servir à nous
d'alerte en disant:
"Attention... on n'est pas à
notre place. "
(JEAN-CHRISTIAN AUBRY)
(En studio)
Le rôle de A&R, je veux dire
c'est YouTube qui l'a
maintenant. Je veux dire que
c'est Facebook, c'est beaucoup
plus le public qu'avant.
[Début information à l'écran]
A and R : artist and repertoire = dénicheur de talent
[Fin information à l'écran]
PHILIPPE RENAUD
(En studio)
Tout le travail d'A&R, tout le
travail de... d'aller dans les
bars ou de découvrir, écouter
les démos, machins... Je ne sais
pas s'il y a un "major" qui fait
ça encore aujourd'hui. Plutôt
que d'avoir des vrais
représentants A&R, des vrais
scouts, des vrais gens qui vont
développer, c'est qu'ils
regardent les artistes qui sont
signés sur des petits labels
puis ils vont signer le label,
ils vont racheter le label.
ÉMILIE CÔTÉ
(En studio)
Ce qui arrive de plus en plus,
parce qu'il y a vraiment des
compagnies de disques dites
"indie" qui sont rendues
gigantesques, souvent, bien,
elles ne sont pas capables de
répondre à la demande des
albums, donc elles vont produire
l'album avec leur étiquette,
mais elles vont faire affaire
avec un "major" pour la
distribution. C'est de plus en
plus ça qui se passe, en fait,
parce que je veux dire, une
petite compagnie comme Merge
Records aux États-Unis qui fait
les albums d'Arcade Fire, à un
moment donné, elle a besoin
d'Universal qui va donner des
millions d'albums partout dans
le monde, puis qui va répondre à
la demande.
(FOXTROTT marche sur une rue.)
FOXTROTT
On savait que c'était pour se
passer, c'était comme... toutes
les négociations se sont
terminées en août.
Officiellement, les deux côtés
ont finalement dit oui sur tous
les petits points et tatata...
après huit mois de négociations.
Là, finalement le... un vendredi
matin, le contrat est rentré.
Ils ont envoyé l'espèce de
brouillon final, puis en tout
cas, ça s'est réglé vite la
journée même là et finalement la
copie finale. Puis j'ai reçu ça
et je suis comme: "Là, ça veut
dire que je pourrais aller le
"printer", le signer et leur
envoyer "that's it", là?" Fait
que là c'est ça qu'on a fait.
Je suis allée au bureau, mes
gérants étaient en dehors du
pays, mais il y avait d'autre
monde, puis j'ai juste... on a
tout posté ça et j'étais
comme... C'était comme un grand
soulagement dans ma vie. Il y a
du monde qui disait: "Tu dois
être énervée!" Je répondais:
"Non, vraiment pas, je vais
juste dormir..."
Je trouve que c'est un bon
album, je suis fière. Je n'ai
aucune idée de la réception,
comment ça va se placer et tout
ça. Je ne sais pas encore dans
quel territoire ça va réagir le
mieux, mais moi, en ce moment,
je ne sais pas, j'essaie en fait
de ne pas avoir trop d'idées
préfaites et d'attentes. On
était prêt à le sortir
indépendant, sauf qu'il y a des
opportunités qui se sont
ouvertes, elles étaient
tellement intéressantes pour
nous qu'on a dû attendre... puis
pour moi, il faut toujours me
rappeler que, sortir mon album
dans un contexte comme ça, avec
un bon plan en arrière et un peu
de moyens financiers, ma musique
va rejoindre... je vais
rejoindre beaucoup plus de
personnes que j'aurais rejointes
autrement. C'est "le fun"
d'avoir une structure qui est là
pour ça, puis je le sais déjà
que quand je vais être dans
l'écriture de mon deuxième et
que je vais le sortir, il y a de
l'argent qui est là pour ça...
c'est quand même très cool.
(FOXTROTT rencontre MICHAEL DE FREITAS à son bureau. Ensemble, ils ouvrent une bouteille de mousseux.)
[Début information à l'écran]
Michael de Freitas, fondateur— Sofa King Raw Entertainment
[Fin information à l'écran]
MICHAEL DE FREITAS
(Propos traduits de l'anglais)
Nous avons signé un contrat avec
One Little Indian. C'est une
maison de disques du
Royaume-Uni qui est
devenue internationale.
Elle collabore avec Björk,
Cody Chestnutt, un autre
Islandais qui s'appelle
Óskar et bien sûr... Foxtrott.
Ce n'est pas pour rien que
les maisons de disques
existent. Nous ne sommes
que cinq ici alors que
les maisons de disques,
elles, ont des équipes
plus nombreuses. Elles
investissent de l'argent
pour le marketing, elles
paient certaines dépenses
et ça compte pour beaucoup.
Lancer une carrière, ça
coûte cher. Si on prévoit
une tournée européenne,
mais qu'il nous manque
2000 euros, si on ne trouve
pas ces 2000 euros,
on ne peut pas faire
cette tournée.
La maison de disques
s'occupe de trouver l'argent
qu'il manque.
Le premier album est
toujours le plus difficile.
Cette entente ne s'est pas faite
rapidement, il y avait
beaucoup de va-et-vient,
mais ça arrive! J'en ai
l'habitude, j'ai vécu
l'expérience plusieurs fois.
Souvent, les ententes
se concluent en une semaine,
mais parfois, comme dans
ce cas-ci, ça prend cinq mois.
FOXTROTT
(Propos traduits de l'anglais)
Huit.
MICHAEL DE FREITAS
(Propos traduits de l'anglais)
Huit mois. C'est comme ça
que ça marche. C'est
pour ça que les gérants
sont nécessaires. On est
comme des sherpas,
on guide l'artiste à travers
les tempêtes et les avalanches.
(Début intertitre)
(La maison de disques de demain)
(Fin intertitre)
(JULIEN MANAUD est dans un appartement rempli de personnes. Il se dirige vers la sortie.)
JULIEN MANAUD
Présentement, on est chez le
réalisateur du clip de... d'un
clip pour l'artiste Das Mortal.
Xavier qui est ici qui réalise,
avec son équipe... excusez les
gars, on vous laisse
travailler...
(À l'extérieur, une équipe de tournage filme le vidéoclip.)
JULIEN MANAUD
(Narrateur)
En fait, c'est que
j'avais tellement peu de budget
à leur offrir que j'ai offert
mes services aussi, et en fait,
je les accompagne, j'ai une auto
aussi, ce qui est assez pratique
pour eux. Eh bien moi, j'ai
quand même réalisé deux clips
l'année dernière pour Le
Couleur, et puis je suis très
impliqué dans toutes les choses
qu'on amorce.
Personnellement, je me sens très
"manager", très maman en fait.
Mais je pense que j'ai une
approche du "management" qui est
très ancienne, "old school"
comme on dit, c'est parce que...
j'encadre vraiment beaucoup les
artistes. Je suis là en studio,
je suis là aux interviews, je
les suis. Quand je peux en
répète, ça c'est sûr que c'est
plus... ça prend beaucoup de
temps d'aller en répète, mais
j'y vais de temps en temps. Je
pense qu'ils aiment ça. Ils
voient que je suis très
impliqué, mais c'est que j'aime
vraiment l'ancien "management"
des années 60 et 70.
JEAN-CHRISTIAN AUBRY
(En studio)
Quand t'es "manager" d'un
artiste t'as une relation
beaucoup plus complète avec
l'artiste qu'une relation
purement "label". Le "manager",
à la différence du "label" qui
travaille sur un projet, sur un
disque, qui travaille sur
plusieurs disques dans la
carrière d'un artiste
généralement, mais le "manager",
lui, travaille sur l'artiste
directement. Il est responsable
de la carrière... de toute la
carrière de l'artiste, pas
seulement le disque. Il fait le
disque, il fait le spectacle, il
fait les commandites, il fait...
si l'artiste fait un film, il
fait... t'sais... Encore là, je
pense que c'est vraiment le
"manager" et le band qui ont le
pouvoir maintenant.
JESSY FUCHS
(En studio)
Les artistes ont toujours
existé, mais les maisons de
disques n'ont pas toujours
existé. C'est vraiment quelque
chose de récent dans notre
histoire et je pense que ça n'a
pas nécessairement besoin de
toujours exister. Ça, c'est mon
avis. Puis c'est l'avis d'un
gars qui a un "label" de disque.
Notre pertinence, elle est bonne
maintenant dans le présent, mais
à court terme. Le jour où ça va
changer, la maison de disques
peut ne pas avoir de raison
d'être. Ce n'est vraiment pas
grave.
(Fin émission)
(Générique de fermeture)