

Arrière-scène
Arrière-Scène invites you to meet those who work behind the scenes: movie score composers, tour managers, show schedulers, record sellers, producers, bar musicians.
Video transcript
Music Training
Music competitions are multiplying all over the country and provide a unique opportunity for exposure. But it takes more than just wanting to become famous – artists have to stand out for their talent and skill.
Production year: 2014
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Arrière-Scène part à la rencontre des artisans qui fabriquent de leurs mains notre paysage musical. On y découvre les coulisses de l'industrie musicale en rencontrant ceux qui y travaillent : musiciens de studio, compositeurs, metteurs en scène, producteurs, disquaires, programmateurs et plusieurs autres.
L'émission «Arrière Scène» est ponctuée d'entrevues de journalistes en studio et d'autres intervenants du milieu qui viennent apporter leur expertise et leurs commentaires.
Générique d'ouverture
[Début information à l'écran]
Arrière-scène—La formation musicale
[Fin information à l'écran]
Au Cégep de Saint-Laurent, des étudiants entrent dans une classe pour assister au cours d'ALEXANDRE CÔTÉ.
[Début information à l'écran]
Alexandre Côté, saxophoniste, compositeur et arrangeur; professeur— Cégep de Saint-Laurent
[Fin information à l'écran]
ALEXANDRE CÔTÉ
(Narrateur)
Ce sont des étudiants en
technique, des finissants,
si on veut, du programme
Interprétation technique
3e année.
À travers ça ils
apprennent à écrire, composer,
arranger de la musique aussi.
Mais c'est comme une technique
de trois ans, qui, en théorie,
après, t'es supposé être
capable de t'en aller
sur le marché du travail.
Je dirais que ça fait
une trentaine d'années que la
musique, on va dire musique de
jazz et musique populaire,
se sont vraiment
institutionnalisées, sont
entrées dans les classes
d'écoles. Depuis ce temps-là on
fournit un nombre croissant
incroyable de musiciens, juste
au niveau collégial et
universitaire t'as au moins huit
institutions qui fournissent à
chaque année un bassin
d'étudiants finissants, qui
arrivent sur le marché du
travail, ce qu'on
n'avait pas avant.
[Début information à l'écran]
Marie-Christine Blais, journaliste et critique— La Presse
[Fin information à l'écran]
MARIE-CHRISTINE BLAIS
(En studio)
On a tendance à oublier que dans
les années 70-80, il n'y a pas
vraiment d'écoles, il n'y a pas
vraiment de formation, tu peux
aller évidemment étudier du
classique ou du jazz à
l'université, mais ce n'est pas
l'ensemble des musiciens
populaires qui viennent de là.
En 80-90, on devient une
industrie. Quand t'es dans une
industrie, il faut que ça opère.
Ça coûte cher du temps de
studio, Aie, t'apprends pas tes
notes là. Donc, il y a eu un
besoin du marché pour des gens
plus qualifiés.
(ALEXANDRE CÔTÉ donne son cours à ses étudiants.)
ALEXANDRE CÔTÉ
(Narrateur)
C'est assez récent qu'on a des
musiciens, je te parle à grand
volume, qui savent lire la
musique, faire de la lecture à
vue comme on dit, aller en
studio. Moi, souvent on
m'appelle, je vais aller faire
un... on dit dans le bon jargon
"faire une gig", de mariage dans
un band, de mariage italien,
t'arrives le soir t'as jamais vu
les gars, t'as jamais vu la
musique, t'arrives sur la scène,
pis le monde pense que ça fait
dix ans que tu joues dans le
band, mais non, ça fait une
journée. Parce que l'institution
a permis ça. Avant, tu pouvais
prendre 15 ans dans ton
sous-sol, à apprendre ton
instrument avant d'être capable
de jouer dans un orchestre ou
jouer dans un band, à c't'heure
t'as besoin de cinq ans pis tu
peux être un musicien... quand
même assez bien formé. On parle
de 2-3 ans au CEGEP, 2-3 ans à
l'université, tu sors de là, tu
peux aller sur le marché du
travail, être un musicien
pigiste professionnel pis faire
à peu près n'importe quoi.
MARIE-CHRISTINE BLAIS
(En studio)
L'avantage d'apprendre à l'école
c'est que tout ce qui est la
base, ce qui va être vraiment
ton outil, tu l'as. Une fois que
t'as appris, c'est là que le
travail commence, peut-être,
parce qu'il faut que tu
désapprennes, que tu apprennes
ailleurs pour que ça devienne
quelque chose d'unique. Il y a
toujours le même nombre de notes
dans la gamme. C'est à toi de
trouver un alliage différent,
mais il n'y a pas plus de notes.
(Début intertitre)
(Étudier en musique: une garantie de carrière?)
(Fin intertitre)
[Début information à l'écran]
Stanley Péan journaliste, animateur radio— ICI Radio-Canada
[Fin information à l'écran]
STANLEY PÉAN
Un musicien sur deux
présentement au Québec est formé
en musique classique, ça veut
dire que l'autre est
formé en quoi?
En général c'est le
profile jazz-populaire,
comme on l'appelle dans
nos écoles de musique.
C'est un apprentissage
académique, technique. Ça ne
garantit pas à celui qui veut
être musicien d'être meilleur
mais ça lui donne en tout cas,
un bagage technique qui va lui
permettre de trouver la manière
d'exprimer ce qu'il a à
exprimer, s'il a à exprimer
quelque chose.
(FRÉDÉRIC LABRIE est à l'École nationale de la chanson de Granby.)
[Début information à l'écran]
Frédéric Labrie, musicien; étudiant— École nationale de la chanson
[Fin information à l'écran]
FRÉDÉRIC LABRIE
Le diplôme ne donne pas... je ne
dis pas que ça ne donne rien, je
dis juste que ce n'est pas ça
qui va faire en sorte que tu vas
avoir une carrière de musicien,
pis des carrières de musiciens
il n'y en a pas beaucoup.
La carrière de musicien
se bâtit par efforts,
par sacrifices beaucoup,
pis je dirais que ça
se bâtit aussi par contacts, par
est-ce qu'on a envie de faire de
la musique avec toi. Pis on dit
souvent qu'il faut que tu aies
deux des trois, sois que
t'enseignes, sois que tu
arranges ou composes ou soit que
t'es musicien, en fait, il faut
que t'en aies deux des trois
pour vivre.
(FRANÇOIS HOULE est devant un petit musée de Vancouver, en Colombie-Britannique.)
[Début information à l'écran]
François Houle, clarinettiste; enseignant— Vancouver community college school of music
[Fin information à l'écran]
FRANÇOIS HOULE
Quand j'ai eu mon diplôme
j'étais vraiment casé pour
devenir clarinettiste
d'orchestre, soliste de
l'orchestre. Bon, faire des
auditions, je vais me trouver un
poste pis je vais être casé pis
tout va bien aller.
J'ai trouvé un poste,
c'était à Calgary au début
des années 90 et puis j'ai
duré un mois de temps. Puis
vraiment là après 15 ans, 20 ans
de travail acharné pour devenir
musicien d'orchestre ça m'a pris
un mois pour me rendre compte
que ce n'était pas ça que je
voulais faire. Donc, une
fois que ça ç'a été cassé,
j'ai été comme bouleversé, il a
fallu vraiment que je retrouve
c'était quoi la musique pour
moi. Puis, je me suis rendu
compte que j'adorais la musique
de film. J'adorais la
composition. J'ai rencontré des
musiciens qui travaillaient dans
la musique du monde, dans la
musique de jazz, dans
l'improvisation pis tout
ça... Les meilleurs conseils
qu'ils m'ont donnés c'était:
"Diversifie-toi, écris,
compose, improvise, fais
de la musique classique, fais du
jazz, fais de la musique du
monde, tu vas être correct. Tu
sais comment jouer de la
clarinette mais il faut juste
que t'étendes ton
champ d'action."
(MATHIEU LUSSIER est dans une salle de répétition de la faculté de musique de l'Université de Montréal. Il assemble un basson.)
[Début information à l'écran]
Mathieu Lussier, bassoniste; chef associé— violons du roy; professeur— Université de Montréal
[Fin information à l'écran]
MATHIEU LUSSIER
Aujourd'hui j'attends Jeff, qui
est un de mes trois élèves que
j'ai à l'université cette année,
parce que demain ce sont les
auditions d'orchestres pour
l'Orchestre de l'Université
de Montréal.
(Plus tard, MATHIEU donne une leçon de basson à JEFF POUSSIER-LEDUC, son étudiant.)
[Début information à l'écran]
Jeff Poussier-Leduc, étudiant à la maîtrise— Université de Montréal
[Fin information à l'écran]
JEFF POUSSIER-LEDUC
(Narrateur)
Maintenant, comme la formation
est un peu adaptée à ce qui est
la musique maintenant au Québec
pis en Amérique du Nord...
Pis, c'est pour ça que
finalement, moi, l'année passée
j'ai suivi un cours qui
s'appelait "Le métier du
musicien", qui justement
nous ouvre les portes pis
qui nous donne des outils
sur qu'est-ce que tu peux faire
d'autre si justement tu ne
gagnes pas ce poste-là qui va te
permettre de vivre, parce qu'il
ne faut pas se leurrer, au
Québec il n'y a pas vraiment
tant de place que ça pour faire
ce job-là dans un orchestre
symphonique.
MATHIEU LUSSIER
(Narrateur)
On travaille fort là-dessus, que
les étudiants soient éveillés
dès l'université à c'est quoi
faire une demande
de subvention...
un fichier Excel... Moi, quand
j'ai été embauché comme
directeur artistique d'un
festival, j'avais l'expérience
artistique pour le faire mais
concrètement ça voulait dire
appliquer pour des demandes de
bourses au Conseil des Arts du
Canada, il fallait que je fasse
des budgets, il fallait que je
remplisse une demande de
subvention. Je n'ai pas appris
ça moi, j'ai appris le solfège
pis la dictée musicale à
l'école. Il faut que les autres
options soient présentées et
mieux formées, je pense, dès le
cursus universitaire.
(FRANÇOIS HOULE donne un concert de clarinette à l'intérieur du petit musée de Vancouver)
FRANÇOIS HOULE
(Narrateur)
Quand je suis allé à
l'université, des cours de
business... "Non non,
pratique ta clarinette,
mets toute ton énergie
là-dedans parce que
c'est ça qui va te permettre de
travailler." Bon, OK, je suis
capable de jouer de la
clarinette mais je ne suis pas
capable de m'organiser, je ne
sais pas comment monter un plan
de travail ou de monter une
société à but non lucratif,
c'était comme parler japonais...
Donc moi, il y a environ une
douzaine d'années de ça, j'ai
commencé un programme au
collège, justement, c'était un
cours de business pour les
musiciens. Des trucs vraiment de
base, comment monter un dossier
de presse, comment signer un
contrat, comment préparer les
dossiers de redevances, comment
monter une tournée, comment
budgéter pour une tournée. Et
puis ça, ç'a fait une
grosse différence.
(ALEXANDRE CÔTÉ poursuit son cours.)
ALEXANDRE CÔTÉ
(Narrateur)
La réalité de c'est quoi être un
musicien, je veux dire ils le
savent déjà là, mais tu ne peux
pas juste jouer de ton
instrument. Tu peux juste jouer
de ton instrument si tu
t'appelles Kenny G, pis il se
passe de quoi pis tu vends des
millions d'albums pis tu fais
des millions. Le monde des fois
rit de Kenny G mais Kenny G a
fait des millions avec des solos
de sax "cheesy" là, fait qu'on
s'entend, je respecte le
personnage, mais ils vont
apprendre qu'il y a plusieurs
jobs connexes. Les étudiants qui
sont en technique 3e année, à
l'hiver je donne un cours qui
s'appelle "Gestion de carrière -
Organisation de spectacle". Là,
on fait un peu le tour de ce que
tu peux faire avec des études en
musique. Tu peux devenir
programmateur, chef de
programmation, tu peux
travailler dans les festivals,
tu peux être musicothécaire, tu
peux faire de la musicothérapie,
tu peux enseigner la musique, tu
peux accompagner des jeunes, tu
peux faire des camps musicaux,
tu peux faire... je veux dire,
il y a une tonne de
jobs qui sont disponibles
pour des gens qui ont
étudié en musique. Tu n'es
pas juste obligé de jouer de ton
instrument sur scène.
(MATHIEU LUSSIER est dans une salle de spectacle de l'Université de Montréal.)
MATHIEU LUSSIER
La pire question quand on est
pédagogue, quand on est
professeur, c'est quand le
parent vient te voir pis il te
dit: "Quels sont les débouchés
pour mon enfant?", tu ne peux
pas répondre à cette
question-là, parce que tu peux
être millionnaire ou tu peux
crever de faim. Tu peux étudier
pendant 30 ans, faire un
"postdoc" pis de ne pas avoir de
job ou ça peut marcher du
premier coup. Alors, la seule
bonne réponse que j'ai trouvée
c'est: "Si tu t'imagines faire
quelque chose d'autre que de la
musique, fais d'autres choses,
garde la musique à côté. Si tu
ne peux pas t'imaginer faire
quoi que ce soit d'autre, tu
sens que la musique c'est ta
passion, c'est ta vie, c'est ta
nourriture, fonce, pis de cette
façon-là tu vas y arriver."
(Début intertitre)
(Formation... ou pas?)
(Fin intertitre)
STANLEY PÉAN
(En studio)
Il est rare qu'on va entendre,
en tout cas en musique
classique, des autodidactes. Les
musiciens classiques sont des
gens qui ont ce long parcours de
conservatoire, ils commencent
d'abord très très jeunes, avec
la rigueur, les exercices tout
le temps pis le conservatoire
et plus et plus...
Mais il y a des musiciens
qui oeuvrent dans les formes
populaires, que ce soit
le rock, que ce soit la chanson
pop, que ce soit le blues ou peu
importe, qui n'ont pas pris de
cours à proprement parler, qui
ont appris leur instrument par
eux-mêmes, qui ont trouvé leur
manière de jouer par eux-mêmes,
et ce n'est pas moins valable de
faire ce parcours-là.
(ALEXANDRE CÔTÉ se promène dans les corridors du Cégep de Saint-Laurent. Il présente les étudiants qu'il croise.)
ALEXANDRE CÔTÉ
Alors ça c'est la gang du
laboratoire de saxophone. Ce
matin on a réservé une petite
surprise, on fait de la lecture
à vue. On va lire une pièce pour
la première fois.
(ALEXANDRE CÔTÉ entre dans une salle de répétition avec ses étudiants et leur remet des partitions.)
ALEXANDRE CÔTÉ
(Narrateur)
Avant d'être musicien de
carrière, d'être pigiste ou quoi
que ce soit, on apprend juste à
parler. Moi je fais toujours la
comparaison avec apprendre à
dire des phrases, le bateau,
la table... ce sont juste
des petits détails comme
ça qui vont faire qu'au
bout du compte, tu vas
parler, ça va faire du sens pis
on va parler le même langage.
C'est juste une question
d'apprendre le langage de base,
de comprendre c'est quoi un
accord, la structure harmonique,
pis le lien des accords entre
eux, pour être capable de faire
un solo pis ne pas
nécessairement être un accord à
la fois mais de voir la
progression d'accords, si on
veut, dans un ensemble.
(ALEXANDRE CÔTÉ commence à répéter avec ses étudiants.)
ALEXANDRE CÔTÉ
(Narrateur)
Si tu veux être un musicien
pis vivre ta vie là-dedans, il
faut que tu sois capable de lire
la musique, comprendre la
musique. Tu vois une progression
d'accords, il faut que tu sois
capable de l'interpréter, jouer
pour ne pas avoir l'air fou, en
plus de faire tes projets,
composer de la musique.
Quelqu'un qui n'est pas allé à
l'école va être capable de le
faire mais il ne pourra pas
arriver dans un studio à
brûle-pourpoint pis: "OK,
tiens on joue ça." Il va falloir
qu'il prenne le temps de le
déchiffrer, tandis que quand on
est à l'école on apprend à lire,
on forme tous les aspects de ce
que peut être un musicien
professionnel.
(MATHIEU LUSSIER est dans une salle de spectacle de l'Université de Montréal.)
MATHIEU LUSSIER
Des fois on peut se dire: "Ben
là franchement pourquoi tu ne
sais pas lire la musique? T'es
limité." Mais j'ai le souvenir
d'avoir fait un show de radio il
y a quelques années, ou, c'était
dans le temps que Monique Giroux
faisait son émission à
Radio-Canada pis elle avait du
budget pour avoir des musiciens
pis je me suis retrouvé à faire
partie de son band pour son
dernier show. Je demande à avoir
les partitions en bon musicien
classique et je reçois juste des
"charts", des "charts" de pop
c'est juste une feuille avec la
structure de l'oeuvre pis les
changements d'accords. Pis,
après ça, normalement, quand
t'es un musicien pop, un
musicien rock, ben t'improvises
là-dessus, c'est juste que tu
sais que c'est quatre fois
quatre mesures, ça change de
mesure... mais moi le pauvre
petit musicien classique,
j'étais complètement désemparé
face à ça, et donc j'ai été
obligé comme d'écouter, écouter,
écouter, écouter les chansons
pis de m'écrire des petites
lignes de basson. Dans ce
temps-là, je me sens super
limité. Là j'arrive, je suis le
seul qui regarde sa feuille,
alors je me sens mal, mais en
même temps, j'étais assis à côté
de Marc Déry, pis à un moment
donné, à la dernière minute il y
a quelqu'un qui est arrivé avec
du matériel imprimé. Pis là, moi
j'étais content pis Marc Déry me
regarde et dit: "T'es capable de
lire ça toi? T'es chanceux, moi,
ça me prendrait des heures
déchiffrer ça. J'ai appris à
lire la musique mais je ne peux
pas juste lire pis faire..."
Alors lui, il était envieux de
ça mais moi tout le reste du
show, j'aurais fait n'importe
quoi pour pouvoir avoir
cette aisance-là.
(ÉMILIE LAFOREST est au studio de Pierre Girard, à Montréal.)
[Début information à l'écran]
Émilie Laforest, chanteuse et compositrice— Forêt
[Fin information à l'écran]
ÉMILIE LAFOREST
Je me suis rendue compte qu'en
musique classique c'est
par l'écrit, donc tu lis un
rythme pis tu le fais. En
musique plus pop comme ça ce
n'est pas ça pantoute là, il
faut que tu le sentes le rythme,
pis t'es dedans pis...
Donc moi c'est comme,
de juste comme "groover"
dans une affaire, pour moi
ç'a été long avant comme de
juste "slacker" là, pis de juste
sortir de l'espèce de rigidité
du classique. Je ne peux pas
dire que tout mon bagage de
musique classique m'a apporté la
spontanéité, vraiment pas, mais
ça tombe bien parce que moi je
suis plutôt intellectuelle dans
ma façon d'approcher la musique,
pis dans ma façon de composer,
qui est souvent même écrite sur
des portées là, j'écris...
j'écris des... je compose des
mélodies. Ça, tu vois, je suis
super contente de cette espèce
de conscience-là, de mes cours
d'harmonie, de mes cours
d'écriture de voix. De pouvoir
juste nommer ce qui m'intéresse
de faire comme processus avec
quelque chose que Joseph a
composé mettons, ça je
trouve ça le fun.
[Début information à l'écran]
Yann Perreau, auteur-compositeur-interprète
[Fin information à l'écran]
YANN PERREAU
Je suis de l'école des
autodidactes mais je ne vais pas
dire: "Moi je prône aux jeunes,
ne faites pas... "fuck" les
cours de musique pis écoutez
votre coeur!" Ce n'est pas vrai,
je veux dire, tout est bon, pis
je le vois, pour être accompagné
de copains comme des Pilou, des
Alex McMahon, des Gabriel
Gratton, ça c'est des génies que
moi je connais, des gens de
partout au Québec.
Un François Lafontaine,
un Louis-Jean Cormier,
une Marie-Pierre Arthur,
une Ariane Moffatt, ils
ont cette capacité-là d'avoir
l'essence, la "groove", le côté
inné de la musique ils l'ont,
mais en plus ils ont les
connaissances techniques. Ce
sont des gens qui ont tout ça.
(FRÉDÉRIC LABRIE est à l'École nationale de la chanson de Granby.)
FRÉDÉRIC LABRIE
La formation apporte beaucoup
selon moi pis ça te permet
d'aller directement vers ou tu
veux aller, fait que c'est comme
si tu sauvais du temps. Moi je
pense que, mettons pour l'École
de la chanson, pour ici, au lieu
de prendre dix ans pour en
arriver à trouver ton style pis
en arriver à trouver... comment
tu veux écrire, comment tu veux
jouer, comment tu veux
interpréter, ici t'as les
outils pour commencer,
t'apprends rapidement pis en
même temps, justement, c'est
comme l'autoroute de la chanson.
C'est comme... oui, c'est ça,
l'autoroute de la chanson. C'est
comme si au lieu de commencer à
prendre des... je trouve ça beau
aussi là les petits sentiers
avec des roches où tu
te "plantes" mais je l'ai déjà
fait ça, fait que j'ai déjà
appris pas mal de... là je suis
content, c'est comme j'arrive à
une autoroute fait que là je
vais la prendre pendant un an,
pis après ça, c'est sûr qu'après
le travail ce n'est pas terminé
mais je pense que ça va être...
on va avoir pas mal les poches
pleines pour pouvoir continuer.
(Dans le cours de MARIE-CLAIRE SÉGUIN FRÉDÉRIC LABRIE chante une chanson devant sa classe.)
FRÉDÉRIC LABRIE
♪Alors j'apprends à
me tenir debout
Oui j'apprends à
me tenir debout
Je n'ai rien contre personne
et je tendrai l'autre joue
J'apprends à me tenir debout
Oui j'apprends à
me tenir debout
J'apprends à me tenir debout
Je n'ai rien contre personne
et je tendrai l'autre joue
J'apprends à me tenir debout♪
MARIE-CHRISTINE BLAIS
(En studio)
Pratiquement tous les festivals
maintenant ont un
volet formation.
Je crois que dans le
cas de Granby, au départ, l'idée
c'était de donner un meilleur
show. D'avoir des lauréats plus
aguerris, tant dans le cas de
Granby par exemple que de
Petite-Vallée, les professeurs,
ce sont des praticiens,
c'est-à-dire des
auteurs-compositeurs-interprètes
ou des musiciens chevronnés qui
ont de l'expérience et qui
acceptent et qui veulent
apprendre aux autres.
À Natashquan, ce n'est pas dans
le cadre d'un festival mais à
Natashquan, Gilles Vigneault
donne des cours... et enseigne,
aux étudiants soigneusement
choisis qui assistent à ses
cours, des choses comme essayer
d'apprendre un poème par jour.
Lui, il n'a jamais été à l'école
de musique. Ce n'est pas ça,
mais il avait une formation
classique, une culture générale,
et ça lui donnait lieu d'école.
Quand t'es capable de réciter
des poèmes, tu sais c'est quoi
des rimes riches, tu sais c'est
quoi le nombre de pieds. Tu sais
qu'est-ce que c'est un mot qui
sonne ou un mot qui ne sonne
pas. Aujourd'hui on n'a plus ça,
ce n'est pas plus mal, on n'est
pas obligés d'apprendre des
poèmes, mais il faut retrouver
ces connaissances-là et ce sont
ces professeurs,
auteurs-compositeurs ou
musiciens qui le transmettent à
leur tour.
(MATHIEU LUSSIER est dans une salle de spectacle de l'Université de Montréal.)
MATHIEU LUSSIER
En fait, je pense que pour
former un musicien il faut que
le musicien se forme lui-même.
Je trouve que c'est un des... on
va tomber dans les clichés très
très convenus mais je pense
qu'on est malheureusement dans
une période ou la connaissance
générale est un peu en déclin,
et ce qui fait un bon musicien
ce n'est pas juste de savoir
jouer son instrument. C'est de
savoir, même si tu n'es pas
pianiste, c'est de connaître les
cinq Concertos pour piano de
Beethoven. C'est connaître
l'oeuvre de Bach même si tu
joues de la clarinette pis que
Bach n'a pas écrit pour la
clarinette. C'est de savoir
qu'est-ce qui est arrivé après
le Sacre du printemps, même si
ce qui t'intéresse c'est la
musique baroque. C'est la
culture, c'est d'aller voir des
concerts, c'est d'écouter des
disques. Plus on est
autodidacte, plus on est
autosuffisant dans cette
curiosité-là, plus la formation
est facile et va porter ses
fruits parce qu'on peut aller à
l'essentiel, on peut aller au
raffinement, on n'est pas juste
dans l'acquisition de
connaissances. On est juste
dans... le peaufinement pis
l'acquisition des connaissances
supplémentaires nécessaires pour
faire de nous un spécialiste.
(JOSEPH MARCHAND est au studio de Pierre Girard, à Montréal.)
[Début information à l'écran]
Joseph Marchand, guitariste et compositeur— Forêt; guitariste— Ariane Moffat, David Giguère, Jacques Kuba Séguin, Tristan Malavoy, Brigitte Boisjoli
[Fin information à l'écran]
JOSEPH MARCHAND
Je pense que la formation ça
peut être génial pour tellement
de gens, parce que moi je
connais des musiciens absolument
incroyables, extraordinaires,
qui ont eu une formation
musicale intense, autant que je
connais des gens qui n'en ont
presque pas pis qui font des
affaires qui sont
extraordinaires aussi.
Donc je pense
que l'idée dans le fond
quand tu fais de la musique
c'est d'aller chercher le plus
de choses possibles ou tu peux,
ou ça marche pour toi, qui
t'inspirent pis qui te font
grandir dans le fond. Il n'y a
pas de bonne ou de mauvaise
réponse, je sais que dans
certains milieux mettons le fait
d'avoir étudié c'est comme mal
vu, c'est comme: "Ah, you're a
school musician", c'est comme:
"Oh... ce n'est pas cool...C'est
bien plus cool être autodidacte
qu'être allé à l'école..." ou
vice-versa. Moi je ne crois pas
du tout à ça, je pense que c'est
une question de chemin pis de
comment tu te développes
là-dedans, qu'est-ce que tu vas
chercher. Après, ça devient
vraiment chacun son point de vue
là-dessus, mais moi ce que je
recherche chez un musicien c'est
ce qui est unique chez ce
musicien-là, ce qui fait que ce
musicien-là est ce musicien-là.
C'est ce que je trouve
le plus important.
(Début intertitre)
(Tout ne s'enseigne pas)
(Fin intertitre)
(ROBERT LÉGER est à l'École nationale de la chanson de Granby.)
[Début information à l'écran]
Robert Léger, directeur artistique et professeur— École Nationale de la chanson
[Fin information à l'écran]
ROBERT LÉGER
Il y a beaucoup de gens qui
disent: "Ça s'apprend tu de la
chanson?" Pis il y a
effectivement des gens qui
arrivent, ça fait six mois
qu'ils se sont acheté une
guitare pis ils composent un
truc qui n'est pas si mal, mais
pour en faire un vrai métier,
pour pouvoir durer, il y a deux
aspects, l'aspect inspiration,
sensibilité, on ne peut pas
l'enseigner, on ne peut pas
enseigner à quelqu'un à savoir
bien observer ce qui se passe,
à être à l'écoute des émotions
qui veulent remonter
du fond de son âme, ça ne
s'apprend pas je pense.
Cependant, il y a tout un
aspect métier, outils, qui lui
peut se transmettre d'une
personne à l'autre, d'un
professionnel qui a 20-30 ans
d'expérience pis qui peut
outiller un jeune artiste en
début de parcours. Ça,
ça se fait absolument.
(MARIE-CLAIRE SÉGUIN est à l'École nationale de la chanson de Granby.)
[Début information à l'écran]
Marie-Claire Séguin, auteure-compositrice-interprète; professeure d'interprétation— École nationale de la chanson
[Fin information à l'écran]
MARIE-CLAIRE SÉGUIN
Ce sont trois métiers, auteur,
compositeur et interprète, on
pourrait les regarder comme ça,
pis même un auteur, il fait une
chanson, ça part de là, il la
fait. Un interprète, il va
prendre ça de l'extérieur pis
oh... Il la ravale... Ce
sont comme deux modes, mais de
la même affaire, mais c'est
formidable mais il faut qu'il se
réapproprie qu'est-ce qui est
dit, donc l'interprète nous
oblige à nous poser des
questions, trouver vraiment
l'intention d'un texte, nous
oblige à fouiller, c'est qui ce
personnage-là?
(À la fin de la chanson de FRÉDÉRIC LABRIE, MARIE-CLAIRE SÉGUIN donne ses commentaires.)
MARIE-CLAIRE SÉGUIN
Il y a un impact pour moi
quand tu nous regarde... tu dis
des vraies phrases, tu dis
quelque chose de vrai, il y a
bien des affaires qu'on sait
comment faire, au lieu d'être
fixe... c'est dans une rencontre
ou dans la pénombre que la
lumière est belle... ce sont
toutes des choses, ce sont des
points qu'il sait pis ça,
ça fait un réel impact
quand tu nous regardes.
MARIE-CLAIRE SÉGUIN
(Narratrice)
Pour moi, la présence reste un
merveilleux mystère, pis reste
une des choses, un des outils
les plus importants je trouve
chez l'artiste de scène, c'est
vraiment la présence, fait que
quand ils savent ce qu'ils sont
après dire, hm... les yeux
s'allument, il y a quelque chose
qui se passe.
MARIE-CHRISTINE BLAIS
(En studio)
Je trouve que par exemple pour
le moment, pour ce qui est de
l'écriture des chansons, on voit
qu'il y a beaucoup de gens qui
sont passés par des écoles et
ils écrivent un petit peu tous
de la même manière. Le mot
étonnant, la tournure bizarre,
ils n'osent pas la mettre, parce
que ce n'est pas ça qu'ils ont
appris. C'est au carré là, mais
il n'y a rien qui dépasse
justement. Pis des fois, là,
c'est de pouvoir chanter le mot
qui dépasse, qui est le fun...
Bzz bzz bzz... quand Daniel
Boucher faisait ça, bzz bzz bzz,
tout le monde s'est mis à faire
ça. Il y a vraiment comme ça des
petites façons de faire, un
petit mot, une petite
entourloupette qui marque la
chanson, ça devient sa
signature. Ça manque un peu de
signature actuellement.
(ÉMILIE LAFOREST est au studio de Pierre Girard.)
ÉMILIE LAFOREST
Quand j'ai commencé à essayer de
plus faire un projet de musique
plus pop, qui est moins comme de
la musique contemporaine, le
plus gros défi pour moi ça été
de trouver ma voix.
C'est comme je...
parce que je... moi, je
chantais comme... ♪Aaaa♪... comme
classique, plus la voix de tête
tout ça, cette technique-là, pis
on savait qu'on ne voulait pas
faire du pop opératique,
vraiment pas.
Donc trouver cette
voix-là ç'a été, sérieux,
ça m'a pris genre un an comme de
"gossage" pis de dire à Jos: "Ça
est-ce que c'est intéressant ce
son-là?" Pis finalement, ce qui
nous a le plus intéressé c'est
quand j'étais dans ma zone du
plus grand inconfort,
finalement... Je me
retrouvais comme dans un passage
pis là dans une espèce de
tension. Écoute, au début je
chantais 15 minutes comme ça pis
j'avais mal, il fallait que
j'arrête. Pis finalement, à
force de chanter comme ça je me
suis habituée pis je connais mon
instrument, je ne me suis pas
blessée pis tout ça. Mais ça ç'a
été... je trouve que ça été un
défi le fun de juste comme
désapprendre l'espèce de "clean"
pis de maîtrise de l'instrument
pis de trouver le son le plus
optimal pour justement aller
trouver quelque chose de sale
pis de fragile pis de...
de fébrile.
YANN PERREAU
(En studio)
Si t'as une "groove", si t'as
une présence, c'est dur
à enseigner.
Moi, il y a des gars
comme Dan Thouin, comme Alex
McMahon qui m'ont dit: "Yann, ce
que tu composes, moi je ne le
ferais pas, donc garde ça,
moi je vais m'arranger avec les
couleurs si tu veux bien, mais,
ce que tu fais, il y a quelque
chose de... justement de... de
"naïf" mais qui n'est pas con,
fait que ça c'est sain, c'est
bon, c'est cool."
(ALEXANDRE CÔTÉ est dans sa voiture.)
ALEXANDRE CÔTÉ
Tu ne peux pas passer ta vie sur
les bancs d'école à te dire
comment ça va se passer sur un
"stage" pis ne jamais y aller.
On est dans l'éducation pis tout
ce qui se rattache à l'éducation
mais, à un moment donné
il faut que ça se passe
sur le "stage" aussi.
T'as beau parler
d'improvisation dans tes cours,
t'as beau expliquer c'est quoi
interagir avec le joueur de
piano, qui va faire telle
extension dans son accord, si
t'as pas un band pis que tu ne
pratiques pas dans ton sous-sol
pis que tu ne t'en vas pas jouer
sur un "stage", tu ne le sauras
pas c'est quoi interagir dans un
band. Pis, je pense que le plus
d'expériences variées que tu vas
avoir dans ton cheminement, ça
ne peut juste que te nourrir.
(ALEXANDRE CÔTÉ donne un spectacle de jazz dans un petit bar.)
STANLEY PÉAN
(En studio)
Tu peux être le meilleur
technicien du monde et être
ennuyant à écouter parce qu'il
n'y a pas d'âme, il n'y a pas de
personnalité, pis ça, ça ne
s'apprend pas.
Deux guitaristes ont la
même technique, il y en a
un que quand on l'entend il y a
quelque chose de plus pis,
elle est indéfinissable cette
chose de plus là, ce
supplément d'âme là.
Comment est-ce que cette
chose de plus là arrive dans la
musique? Ça reste un mystère,
mais il est clair qu'il y a un
apprentissage, des musiciens,
ceux qui ont, en tout cas, le
courage et l'audace d'en faire
un métier, ce sont des gens qui
sont formés, peu importe qu'ils
aient été formés à l'école, à
l'université, dans les
conservatoires ou qu'ils aient
appris leur métier à côtoyer
d'autres musiciens, dans des
boîtes de nuit, dans des "jam
sessions"... ce sont des gens
formés qui doivent d'abord avoir
cette exigence de maîtriser leur
instrument, d'être capables
d'utiliser cet instrument-là
comme une extension d'eux-mêmes
pour exprimer quelque chose.
Et ça, est-ce que ça s'apprend
exprimer quelque chose? Je ne
crois pas qu'on l'apprenne à
l'école. Comment pincer les
cordes d'une guitare, ça on
l'apprend à l'école. Comment
maintenant, une fois qu'on a
cette technique-là à notre
disposition, être capables
d'exprimer quelque chose de
personnel? C'est probablement ce
qui différencie le talent du
génie. C'est... c'est là qu'on
va différencier le technicien de
l'artiste. Et ça, ça c'est un
des grands grands mystères de
la création.
(Fin émission)
(Générique de fermeture)